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lundi 12 janvier 2009

Mangas : les papes de la bulle – Expats au Japon depuis 470 jours

Mangas : les papes de la bulle

Il m’a fallu plus d’un an avant d’aborder le sujet des mangas. Pour un fan de BD comme moi (Rosinski, Van Hamme, Dufaux, Griffo, Spiegelman, Bourgeon, Satrapi, Loisel, j’en passe et des plus classiques), ça semble étonnant. C’était je pense un petit complexe d’infériorité devant les « p’tits jeunes » qui en connaissent un rayon, un grand sentiment d’ignorance et de « par quoi on commence » devant le mur de jaquettes japonisantes qui s’étale au moindre détour d’une Fnac ou d’un Amazon.
Alors, lesquelles sont pour moi ? Ici, il y a des mangas destinés à chaque tranche de la société. Laissons de côté les mangas « shôjo » pour adolescentes (collection Harlequin, très peu pour moi), « shonen » pour adolescents ou « redisu » pour les jeunes femmes de bureau, les Office Ladies (relisez « redisu » à la manière japonaise, ça marche !). J’ai jeté mon dévolu sur les mangas adultes, sans connotation sexuelle : les « seijin mangas » ; ce qui, accessoirement, tombe bien puisqu’on fête aujourd’hui le « seijin no hi », le jour de la majorité (cf. le post de l’an dernier).


Gen d’Hiroshima, de Keiji Nakazawa, en français chez Vertige Graphic.
Un manga monstre sur un événement monstre ! Dix volumes qui relatent de manière autobiographique comment on survit à six ans à l’horreur absolue, et comment on apprend à revivre après. « Gen aux pieds nus » (Hadashi no Gen, son titre original) est un témoignage sans concession sur les atrocités commises par les Américains, pendant et après la bombe atomique lancée sur Hiroshima. Les trois premiers volumes se déroulent le jour et le lendemain de l’explosion, dans un tourbillon de visions d’apocalypse. La suite est résolument optimiste, avec un personnage, l’auteur, qui se bat pour vaincre les retombées du feu nucléaire. Une grande leçon d’histoire sur le Japon d’après-guerre, une grande leçon d’humanisme. Art Spiegelman (« Maus ») en parle ainsi dans la préface : « La physionomie des personnages tend souvent vers le « mignon », avec leurs immenses yeux caucasiens, mais Nakazawa est loin d’en être le pire représentant. Son trait, quelque peu dépourvu d’élégance, fonctionne : les personnages prennent vie, respirent la vie. La plus grande vertu de ce travail est son abrupte et totale sincérité. Sa conviction et son honnêteté nous permettent de croire à l’incroyable, à l’impossible qui pourtant se produisit à Hiroshima. C’est l’art inexorable du témoignage. »

Le sommet des dieux, de Jirô Taniguchi, d’après l’œuvre de Yumemakura Baku, chez Kana (Dargaud-Lombard).
Les héros sont de retour. Les vrais héros japonais, opaques, inébranlables. Ils cherchent un absolu, une voie unique (le « do » du judo, du kendo, du kodo). Leur quête intérieure les fait gravir un sommet, un Everest. Et c’est bien le cas ici. La même philosophie que les plus fameux samurais habite Jôji Habu, alpiniste japonais d’exception, qui va tenter sa vie entière des ascensions que personne n’a jamais réussies, des premières. Sa quête le conduira sur les pentes de l’Everest en hiver, en solitaire, sans oxygène ! Le scénario mêle adroitement ce personnage fictif plus grand que nature à la vraie histoire de la conquête des sommets : l’appareil photo de Mallory en 1924 ou nos Grandes Jorasses bien françaises.
Contrairement à Nakazawa qui a toujours dessiné autour d’Hiroshima, Jirô Taniguchi est un génial touche-à-tout dont j’ai hâte de découvrir le reste de l’œuvre : le Journal de mon père ; l’Homme qui marche ; Icare, sur un scénario de Moebius ; ou Quartier lointain. Il a reçu le prix du meilleur dessin à Angoulême en 2005 pour les cinq volumes de ce « Kamigami no itadaki » où il tutoie les sommets des dieux mangakas (les auteurs de mangas) : cela semble une évidence tant les parois verticales sont rendues de manière saisissante, tant le matériel d’alpinisme est dessiné précisément, tant les émotions se lisent sur les visages burinés et essoufflés des héros.

Les gouttes de dieu, de Tadashi Agi et Shu Okimoto, en cours de traduction-parution chez Glénat.
Un phénomène de société entoure cette longue série de mangas : quatorze volumes sont parus ici et le succès de ce premier « mangavino » fait rage. Le frère et la sœur qui se cachent derrière le pseudonyme du scénariste sont célèbres dans tout le Japon pour avoir popularisé le vin en trouvant des passerelles inédites entre ce que peut ressentir un néophyte et les grands flacons dégustés à longueur de pages. On salive en voyant les héros débouchant un Domaine de la Romanée Conti et on les voit transportés par le pouvoir d’évocation du vin dans un champ de fleurs (ailleurs dans un tableau de Jean-François Millet, ou dans un concert de rock des Queen). A l’heure où les Japonais se demandent comment choisir une bonne bouteille parmi les milliers trop chères qui inondent le marché, ce manga remplit à merveille sa fonction pédagogique. C’est peut-être cet aspect didactique, ainsi que les traits de caractère des personnages un peu trop simplistes qui m’ont un peu laissé sur ma… soif. N’empêche, Cyrille prend le relais de la lecture de ce manga, qu’on pourra dignement accompagner d’une dégustation de quelques beaux flacons avec l’aide du jeu « Bacchanales » !

Voilà. Elle est loin, la ligne claire d’Hergé et des maîtres de la B.D. belge. Absentes, les couleurs léchées de Moebius et des grands de la SF, car les mangas paraissent dans des périodiques en noir et blanc. Mais quelle gourmandise d’avoir devant soi un champ inexploré de trésors culturels à découvrir dans son pays d’accueil… qui plus est, si largement traduit en français !


Photos : www.amazon.fr

Libellés : Livres et films sur le Japon

posté par Philippe Poggianti à 10:38

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