Anticonstitutionnellement en japonais – Expats au Japon depuis 336 jours
Anticonstitutionnellement en japonais
Ah ! Je désespérais d’utiliser un jour « anticonstitutionnellement » dans un texte ! Même si je triche un peu en utilisant le mot hors contexte, je me rends compte que les Japonais ont le même problème avec leur écriture riche de cinquante mille idéogrammes et de deux syllabaires : ils n’en utilisent qu’une petite frange dans les textes courants.
On demande aux étudiants étrangers en japonais de connaître « seulement » 2048 idéogrammes (« kanjis » en japonais, ce qui signifie « caractère chinois ») pour passer le plus haut niveau, le niveau 1, de l’examen qui valide leurs études. Quand un de nos amis nous explique hier qu’il a loupé le niveau 2 après un an de travail acharné, six heures par jour, on comprend la complexité du japonais, et surtout la mémorisation de ces idéogrammes. Rappelons que dans une même phrase écrite, les kanjis sont artistiquement complétés par l’utilisation cumulée et mélangée des deux syllabaires, le « hiragana » et le « katakana ». Bien qu’aujourd’hui, le « katakana » serve plutôt à retranscrire les mots d’origine étrangère (alors que les Chinois inventent de nouveaux idéogrammes à tour de bras), les deux ensembles de syllabes ont été inventés au même moment, au huitième siècle je crois, le second servant plutôt à attirer l’attention du lecteur, un peu à la manière des majuscules chez nous.
Mais bon, je ne cherche pas à faire un cours de linguistique japonaise, vous trouverez tout cela bien mieux expliqué sur Wikipedia ou ailleurs sur le Net. L’idée de cet article est venue d’un de mes collègues américains, dont le niveau de langue bluffe les Japonais qui le prennent pour un des leurs au téléphone, et qui discutait avec nous des kanjis les plus complexes. Il ne se souvenait plus si l’anticonstitutionnellement japonais contenait 64 coups de pinceaux ou plus. Bon, il n’existe de dictionnaire absolu dans aucune langue, et encore moins au Japon où même les adultes continuent d’apprendre des kanjis au cours de leur vie ; la prof de flûte de Louise ne reconnaissait pas un idéogramme indiquant le nom du médecin que l’on devait retranscrire pour la sécu française. Mais d’après le site retrouvé par mon collègue (http://learnjapanesepod.com/newblog/?p=5>), il semble que les Japonais trichent un peu en ayant créé des kanjis à radicaux qui se répètent.
Exemple : trois fois le kanji « cheval » signifie « beaucoup de chevaux ». Non, ce n’est pas la manière normale d’exprimer le pluriel que de se cogner trois fois l’idéogramme du singulier ; ce serait plus long, mais peut-être plus simple que « un cheval, des chevaux » ! Mais cet exemple ne contient que 30 traits.
Plus original, je me réjouissais à l’idée de faire une blague misogyne en découvrant que trois fois le kanji « femme » signifie « bruyant » ou « séduire » ; mais plus tristement, cela peut aussi signifier « viol ».
Enfin, d’après ce site, le kanji le plus complexe, l’anticonstitutionnellement japonais est le caractère dragon à 16 coups de pinceaux, puis répété quatre fois, et qui signifie « très bavard » ou « logorrhée » (le rapport avec les dragons reste obscur). Mais un autre collègue, japonais cette fois, l’a regardé fixement sur mon tableau blanc et n’a reconnu que quatre fois le mot dragon sans (re)connaître le sens du kanji complexe. Diabolique ! L’auteur du site laisse de côté deux autres kanjis encore plus énormes à 79 et 84 coups de pinceaux, car il ne les a retrouvés dans aucun dico. A se demander comment on joue au Scrabble au Japon !
Quant à moi, je retourne à ma leçon de japonais : après vingt heures de cours, j’annone brillamment les phrases de mon « kit de survie », genre « deux bières pression bien fraîches s’il vous plaît », apprises bien sûr avec retranscription en « romanjis », nos caractères occidentaux dont se servent les méthodes de langue pour débutants et les titres de films américains. J’essaie tant bien que mal de lire maintenant l’un des deux syllabaires, l’hiragana ; les deux mille kanjis et la logorrhée en japonais, ce sera pour plus tard !
Libellés : Culture et traditions
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