Pluie d’étoiles, contre-enquête – Expats au Japon depuis 98 jours
Pluie d’étoiles, contre-enquête
Ah ! Que cela flatte la fibre nationale de voir notre joli Bibendum des baguettes à la main s’afficher en vitrine de toutes les bonnes librairies de la ville. Mais quelle surprise à l’ouverture du premier guide Michelin consacré à Tokyo : TOUS les restaurants chroniqués ont au moins une étoile (bon, en France les plus pointus parlent de macaron, mais même Michelin parle d’étoiles dans la version anglaise du guide local) ! Soit un total de 191 étoiles pour les 150 heureux élus du Guide ! Les journalistes français ne manquent pas de s’étrangler en découvrant cette pluie d’étoiles qui dépasse les récompenses cumulées de Paris, Londres et New-York !! Même le Yomiuri Shimbun, journal japonais repris par Courrier International du 6 décembre, cite certains critiques locaux « sévères vis-à-vis de cette tendance à surestimer le Japon et sous-estimer l’Occident ».
Tout est dit. Il faut en avoir le cœur net. La décision est prise avec quelques amis et collègues français de mener notre propre contre-enquête, et de clamer haut et fort ce que nous pensons honnêtement des restaurants cités dans le « Michelin Tokyo 2008 ».
Tiens, ça me rappelle Louis de Funès, représentant du guide Duchemin dans « l’Aile ou la Cuisse » découvrant avec une joie enfantine les plats grésillants et tressautants du restaurant Hanafusa à Paris spécialisé dans le très japonais « teppanyaki » (film que Joshua a récemment découvert à la médiathèque de l’institut franco-japonais à deux pas de notre appartement).
Mais, foin d’interlude, voici quelques commentaires des restos testés à ce jour. Que mes amis, collègues et les lecteurs de ce blog n’hésitent pas à nous envoyer de nouvelles notules pour chaque resto visité.
« L’Atelier de Joël Robuchon » à Roppongi : deux étoiles. Je suis tokyoïte depuis moins d’un mois quand nous décidons pour mon anniversaire de nous offrir la copie du bistrot rouge & noir de la rue du Bac. Même concept, même réussite : les portions dégustation transforment la carte en gastronomie à prix doux, de hauts sièges au comptoir ou en salle nous donnent à voir les cuisiniers s’activer aux fourneaux, les vins au verre sont abordables, je retrouve le soufflé à la pistache qui m’avait damné à Paris… Mais cela vaut-il deux étoiles, en comparaison avec un Marc Meneau rencontré lors des tristes années où il était déchu de sa troisième étoile à Saint-Pair-sous-Vézelay ? Mettons ici une étoile, en n’en parlons plus.
« Sankamé » à Ginza. Une étoile. Encouragé par la sélection du guide, et faisant fi du confort obligatoire d’un resto étoilé en France, nous voulons essayer un « grand » resto japonais au hasard. Oui, c’est l’autre grande originalité du guide (et sujet d’une controverse aussi grande), le cadre et le service n’entrent pas en ligne de compte pour l’attribution des étoiles. Donc, nous ne sommes pas surpris de pénétrer dans un resto tout simple et d’être servi sur une table en bois qu’on croirait sorti d’Ikéa. Hélas ! Sans doute ne sommes nous pas encore suffisamment experts en mets japonais pour goûter la qualité de ce qui nous est offert ce samedi-là (offert est une vue de l’esprit, les prix sont bien tokyoïtes et correspondent à un étoilé français). La suite de petits plats évoquent la cuisine kaiseki, mais même en nous attardant sur chaque poisson, sur chaque légume pour en apprécier la saveur, nous trouvons cela assez fade. Ne pouvant pas non plus entamer la conversation avec un personnel exclusivement nippophone, nous quittons malheureusement bien tôt ce restaurant (en étant les derniers convives à 21h30, les Japonais dînent tôt).
« Benoît » à Omotesando. Une étoile. Cyrille et Elena ont réservé, nous les y rejoignons. Un cadre original mélange de tradition bistrot et de modernité tokyoïte nous accueille : vue splendide sur la métropole, menu écrit à la main à l’ancienne sur mur de verre transparent. Le verre de Gewürztraminer en apéritif est divin. La suite sera de haute tenue, sans toutefois atteindre le niveau d’un étoilé en France : filet de bœuf Rossini à la cuisson un peu longue et au foie gras un peu fade, mais carpaccio à l’œuf de caille coupé au couteau savoureux ; salade de poulpe quelconque, mais biscuit au chocolat « Benoît » nappé de ganache, glace à l’orange parfaitement réussi. On passe un très agréable moment avec un service francophone parfait, et un soleil irisant le Pomerol 2000 pourtant un peu passé.
Pour conclure, je laisse Cyrille critiquer de main de maître son coup de cœur.
« Les Créations de Narisawa » du côté d’Aoyama. Une étoile.
« Attention grand cru classé ! Pour commencer, je ne suis pas du même avis que notre bibendum national. J’en attribue deux à Narisawa ; et de bien volontiers reconnaître être la proie de mes goûts subjectifs car j’apprécie beaucoup le mélange salé/sucré mis en exergue par la cuisine de Mr Yoshihiro Narisawa (du moins de ce que j’en ai vu), et qui pour d’autres pourraient engendrer un (léger) écœurement.
Bref, allons à l’essentiel, qu’avons-nous mangé ? Pour commencer, une salade de noix de Saint Jacques et de fines pommes de terre accompagnées d’une aromatique sauce vinaigrette relevée à la truffe, le tout servi dans une assiette ronde faite d’une espèce de cristal alvéolé du plus bel effet. Puis vint le foie gras poêlé aux fraises (une des spécialités), d’une cuisson et d’un fondant parfaits. Langoustines et légumes bio colorés de saison prennent la relève. Un poisson japonais dont j’ai oublié le nom, à la chair blanche et goûteuse, arrosé d’une sauce soja caramélisée suit. Un filet de chevreuil (6 mois d’âge en provenance d’Hokkaido) d’une tendresse extrême met un brillant terme à ce menu dégustation. Monsieur Narisawa sort de sa tanière inox brossée et vient saluer ses convives. J’entame la discussion en anglais puis la poursuit en français (il parle également l’italien) et finit par le féliciter pour tous ses excellents mets. Puis, d’un plus grand classicisme j’en conviens, un chariot de fromages parfaitement affinés s’invite à notre table. Englouti le digestif au calvados et aux pommes, il est dorénavant l’heure du verdict : c’est un véritable feu d’artifice et s’avance à nouveau vers notre table un deuxième chariot, de mignardises cette fois ci. Monsieur Narisawa réapparaît pour me recommander les macarons (une autre spécialité, sans colorants m’annonce-t-il fièrement), que je place au niveau de Pierre Hermé, et auxquels j’ajoute des mini tartes citron et tatin, une cuillère de mousse au chocolat et un cake au gingembre.
Okanjô-o kudasai ! »
Libellés : Livres et films sur le Japon, Tokyo
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