Kyushu en ryokan et en GPS – Expats au Japon depuis 94 jours
Kyushu en ryokan et en GPS
Bonne et heureuse année à tous ! Akemashite omedetô gozaimasu !
あけましておめでとうございます
Pour notre première escapade hors de Tokyo, nous avons choisi cinq jours dans l’île la plus évocatrice pour nous de l’exotisme nippon : Kyushu, qu’Henri Salvador évoque dans « La Muraille de Chine » et que j’avais déjà utilisée au début de « Notre Corée » lorsque j’attendais que Delphine et les enfants me rejoignent à Séoul. Mais aujourd’hui, pas de désenchantement d’un expat loin de sa famille, juste le dépaysement d’une famille d’expats en vacances au loin.
Nous sommes armés de la traduction en japonais de mon permis français et pour la première fois de notre vie d’un navigateur GPS… tout en japonais, forcément. Mais il suffit d’entrer le numéro de téléphone de notre destination pour que le trajet s’affiche magiquement à l’écran. C’est « top trop cool » ; nous allons même prendre plaisir à nous écarter de la route toute tracée du Big Brother, rien que pour le voir hoqueter, s’interrompre, pour mieux se reconfigurer quelques secondes plus tard avec un itinéraire bis digne de Bison Futé.
Atterris à Fukuoka, dès Dazaifu, le charme de la province japonaise opère : resto couvert de tatamis, nourriture raffinée, petit jardin japonais attenant, bambous coupés et décorés pour le nouvel an, sanctuaire shinto en pleine préparation de l’o-shogatsu (les premiers jours de l’année où la plupart des japonais visitent un sanctuaire, croyants ou juste sympathisants).
A Nagasaki, nous goûtons notre premier ryokan, ces maisons d’hôtes ou petits hôtels traditionnels, avec panneaux de bois coulissants, murs ocres, alcôve avec estampe et ikebana (décoration florale). Le confort est parfois limité (il dépend du prix, qui varie énormément d’un ryokan à l’autre), notre chambre possède une toute petite baignoire en bois avec eau bouillante jaillie de la montagne. Le dîner est un somptueux festin de mets raffinés, et les grands tatamis de la chambre sont couverts de futons (épais matelas) durant notre dîner par le personnel aux petits soins pour les gaijins (étrangers) que nous sommes.
Menu du soir :
- Soupe miso: champignon, bouchée de poisson, pate de poisson très joliment nouée, légume vert, pate de riz
- Bol de sashimi: deux sortes de poisson, feuille épicée, deux sortes d'algues, tranche de concombre servant d'assiette au wasabi
- Ecrevisse gratinée, deux brindilles noires non identifiées au goût de réglisse
- Croque-monsieur au crabe, petit piment doux, tranche de concombre, quart de tomate, salade
- Poisson en sauce sucrée, pomme de terre, navet, carotte
- Mini-assiette de mini-légumes en pickles: concombre, radis, chou râpé, petit fruit rouge mariné
- Petit bol de riz blanc, avec une plus grande cassolette pour rassasier la tablée s'il le faut
Poisson blanc mi-cuit refroidi, avec oignon finement râpé, ciboulette hachée, sorte de wasabi orange - Assiette sucrée-salée: crevette cuite refroidie, pate de fruit a la mangue, châtaigne cuite, petit pate a l'œuf, purée d'une autre petite noix jaune au gout fin.
- Et en dessert, servi séparément a la fin du repas: deux quartiers de poire et deux gros grains de raisin (même raisin rouge qu'en Corée au gout spécial), brin de persil.
Se souvenir du prix des fruits et légumes pour comprendre la fine sélection des petites portions. Se souvenir des belles choses...
Le lendemain, le musée de la bombe atomique et les parcs attenants nous font grande impression : la nécessité pas évidente des Américains de larguer une seconde bombe trois jours après Hiroshima, l’émotion des témoignages visuels ou écrits, la sobriété des hommages de tous les pays avec les grues en origami qui ornent les statues en symbole de paix… Cent quarante mille morts et des milliers d’irradiés avec un kilo de plutonium, ça fait réfléchir. Mais Nagasaki est aussi une jolie ville aujourd’hui, qui fut ouverte sur le monde bien avant la bombe : le quartier du jardin Glover abrite encore les villas des expats du XIXème siècle, marchands britanniques ou néerlandais qui importent la locomotive, le télégraphe ou le bitume au Japon. Ces maisons coloniales accrochées à la colline avec splendide vue sur le fjord autour duquel Nagasaki s’enroule font penser à Hong-Kong.
Nous traversons Kyushu d’ouest en est pour arriver à la ville fumante : Beppu. Au-dessus de ses toits de tuiles grises s’élèvent des dizaines de panaches blancs : privatifs ou publics, les onsens, bains d’eau chaude en prise directe avec le sous-sol volcanique de l’île, font la renommée de la ville. On a même vu un « passeport des bains de Beppu » pour ceux, nombreux, qui en enquillent cinq ou six dans la journée. Nous nous limiterons à trois sortes de trempette toutes différentes : un grand complexe magnifique, le Hyotan Onsen, avec ses sept bains différents dont le fameux « bain de sable », comme sur la plage de Lacanau quand on joue à s’enterrer, sauf que le sable est bouillant et qu’on ressort cuit de tous les côtés ; un établissement beaucoup plus rural, avec bain de boue en plein air où les couples se retrouvent séparés par une simple poutre de bois, ces dames pouvant pénétrer dans le liquide grisâtre depuis une pudique cabane en bois pendant que le sexe fort fait le tour en extérieur par 5°C avec une micro-serviette en guise de feuille de vigne. Et pour finir en beauté, après un délicieux dîner dans une izakaya (auberge) renommée près de la gare, une trempette en famille et à la belle étoile au charmant rotenfuro (bain en extérieur) de notre hôtel. A notre grande surprise, la chaleur emmagasinée permet de nous sécher, de nous rhabiller et d’aller nous rouler sous les énormes couettes de notre chambre sans attraper une pneumonie. L’hôtel est une splendide maison en bois dont nous occupons un immense espace au deuxième niveau, avec coursives en bois surplombant le jardin japonais. Aux premiers rayons du soleil matinal, c’est magnifique, et nous mitraillons comme il se doit.
Mais le temps vire rapidement à la neige, et nous arrivons pour notre dernière étape sur le volcan du mont Aso saupoudrés de poudreuse. La balade dans le golf de l’hôtel n’en est que plus romantique, sauf pour Joshua et Louise qui transforment le parcours gelé en champ de bataille floconneuse. La caldeira est immense (128 km de circonférence), quatre volcans plus jeunes y ont repoussé. Le lendemain matin, les forêts de bambous ploient sous la poudreuse, la voiture se réveille sous une couche de quinze centimètres que les enfants se font une joie d’épousseter avec les balayettes tendues par le personnel en jupe-tailleur du Prince Hotel. Nous regagnons Kumamoto, mais son beau château féodal est fermé, puis l’aéroport de Fukuoka, avant de réveillonner en famille à la maison devant un beau feu de cheminée. A Tokyo, nous retrouvons notre ciel clair et lumineux, mais qu’importe, Kyushu valait le voyage.
Libellés : Balades au Japon
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