Japon, je t’aime un peu, beaucoup, passionnément… A suivre – Expats au Japon depuis 670 jours
Japon, je t’aime un peu, beaucoup, passionnément… A suivre
« Sooo, so, so, so, so » disait souvent un de mes collègues japonais lorsqu’il comprenait enfin là où mon esprit tortueux (lire « non japonais ») voulait en venir.
En plus d’un magnifique souvenir de boulot, maintes fois imité, jamais égalé, cette expression résume bien l’étonnement qu’on a pu lire chez certains de nos lecteurs des deux articles précédents : « ah bon ! Alors comme ça, vous partez du Japon. Déjà ! ».
Eh, oui ! A notre grand dam, c’est déjà l’heure de boucler les valises. Techniquement, c’est déjà fait : soirée de départ, nommée ici « sayonara party » ou simplement « sayo », et repeinte en « soirée jaune » par nos soins il y a deux mois ; quelques vieux meubles, appareils électriques, mobiles et transfos ventilés à travers la communauté française ; déménageurs emballant le reste avec tout le soin auquel s’attendre venant des Japonais (et de la boîte de Sandra !) il y a un mois ; vacances un peu agitées à Paris pour vendre l’appart’ entre autres ; week-end de wakeboard à Singapour avec Denis et Jérôme après une semaine de formation très intense… et me voilà tout seul à Tokyo dans un hôtel, comme j’ai débuté en septembre 2007 lorsque je clamais haut et fort que je ne « savais rien » du Japon (cf. le 1er post de ce blog).
Ce rien n’a pas beaucoup changé ! Ces presque deux années ont passé trop vite, un kaléidoscope d’images et de sensations se bouscule dans nos têtes, mais toujours pas d’exégèse de la psyché nippone, toujours pas de maîtrise des règles mystérieuses du go, du sumo ou de l’ikebana. En revanche, que de plaisirs, de rencontres, de saveurs, de promenades délicieuses !
Tenez : un éventail pour homme, délicatement ornementé, adroitement ouvert puis refermé durant une réunion au sommet, ça c’est un geste qui m’a beaucoup marqué, ce mélange de distinction, de distance légère et de raffinement.
Ou bien le ciel bleu et pur de l’hiver tokyoïte, quand on longe les anciennes douves du palais impérial (Sotobori-dori) pour aller à la gare d’Iidabashi en guettant les boutons de cerisier qui n’arriveront qu’au début du printemps.
Un torii rouge à Shimoda planté sur un roc face à la mer, annonçant un sanctuaire aux alentours, ou son formidable grand frère de Miyajima baignant ses piliers noirs à marée haute, ou encore la forêt de torii orange alignés sur l’extraordinaire « colline aux renards » de Kyoto.
La fulgurance de la ballade de Narayama ou de Zatoishi (celui de Kitano), le lyrisme de Yoshikawa racontant la vie de Musashi ou la mélancolie de Murakami, on pourrait continuer à enfiler les perles de l’univers nippon.
Un dernier manga, offert par Vincent et Sylvie, pour se souvenir de tous les plaisirs gustatifs de Tokyo et du Japon : « Le gourmet solitaire » de Jirô Taniguchi, celui du Sommet des dieux (traduit et publié en France chez Casterman). Le héros se balade tranquillement à travers les quartiers de Tokyo, d’Osaka ou d’ailleurs et déguste ses udon, son katsukare ou son tonkatsu comme autant de madeleines. Un détail important ouvre le dernier chapitre, un nouvel angle de la sociologie japonaise que j’ignorais : « La nourriture au Japon se range en deux catégories : celle que l’on prend pour se restaurer, et celle que l’on prend pour accompagner l’alcool. Plus précisément, sans riz, les mets s’articulent autour de l’alcool qu’on boit en grignotant. Un gourmet qui ne boit pas d’alcool est un loup solitaire. »
Il faudra revenir au Japon, relire le Japon, repasser aux mêmes endroits comme le héros pour vérifier si « Chez Tomo », le Gompachi ou le barbecue coréen Jyu-Bei de Gotanda existent toujours, ré-apprendre le Japon (et le japonais), bref il faudra ressentir le Japon.
Encore et encore.
A suivre, donc…
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