Naoshima, l’île ivre d’art – Expats au Japon depuis 579 jours
Elle, c’est Naoshima, un confetti de quelques kilomètres de tour, perdu dans la « mer intérieure » entre Shikoku, auquel elle est rattachée administrativement, et Honshu dont elle n’est séparée que par vingt minutes de ferry. A huit cents kilomètres de Tokyo, rien ne la destinait à devenir un centre d’art contemporain majeur. Il faudrait revenir sur cette incroyable capacité des mécènes japonais, publics ou privés, à avoir su créer des lieux artistiques de premier plan à l’extérieur des villes principales : on se souvient du musée en plein air de Hakone, et on visitera dans quelques jours l’Ohama Art Museum à Kurashiki. A Naoshima, c’est par la grâce de la société de publication Fukutake, maintenant nommée Benesse (bien-être) Corporation, que sont sortis de nulle part deux musées et un projet d’art contemporain alliant préservation du patrimoine et créations pointues dans un cadre naturel et sociologique préservé.
On commence par le plus audacieux : le Chichu Art Museum, une architecture en béton de Tadao Ando totalement intégrée dans une colline (on pense au fabuleux hôtel de Michel Bras à Laguiole). Dans son dédale de couloirs sombres et de puits de lumière géométriques, il abrite en tout et pour tout huit œuvres centrées justement sur la lumière. On frôle parfois le pignolage avec des employés vêtus d’un blanc clinique qui font attendre puis se déchausser les pauvres visiteurs avant qu’ils puissent admirer quatre des célèbres « Nymphéas » de Claude Monet ; ou encore une des trois installations de James Turrell qui est simplement une ouverture verticale vers… le ciel ! Moi qui d’habitude me laisse facilement emporter par l’art contemporain, je préfère me réserver pour… le musée principal de la « Benesse House ». Là, le design architectural moins radical du même Tadao Ando fait merveille avec ses éclairages naturels et ses vues sur la mer. Là, les chefs d’œuvre sont exposés plus simplement et dégagent pourtant la même force d’émotion : un « dripping » de Pollock, une « Vénus bleue » dYves Klein, une fourmilière géante forée dans une collection de drapeaux du monde de Yukinori Yanagi, des cercles mystiques de pierre, de bois flotté ou de boue de Richard Long… Sur la plage, une énorme citrouille jaune striée de pois noirs de Yayoi Kusama. Superbe.
Et le plus original reste à venir : dans le village de pêcheur voisin, nos mécènes ont poussé l’aventure artistique jusqu’à demander à la population de participer à leur plus belle idée, le « Art House Project ». Soient cinq ou six maisons traditionnelles rénovées, qui abritent désormais des installations contemporaines : le charmant Japonais qui vous poinçonne le ticket n’est autre que l’ancien occupant des lieux ; un peu plus loin, sa voisine a participé à l’une des œuvres de Tatsuo Miyajima en bricolant au tournevis le rythme auquel s’égrènent des chiffres lumineux plongés dans un bassin au centre de l’ancien plancher de la maison Kadoya (notre préférée) ; ailleurs, une statue de la Liberté en albâtre semble vouloir sortir du toit de la maison Haisha (par Shinro Ohtake), telle une Alice trop vite montée en graine.
En fait, c’est bien cela : nous sommes passés de l’autre côté du miroir le temps de cette journée ensoleillée au pays des merveilles contemporaines. Le ferry du retour nous offre le passage inverse, en émergeant en douceur de ce rêve éveillé.
On commence par le plus audacieux : le Chichu Art Museum, une architecture en béton de Tadao Ando totalement intégrée dans une colline (on pense au fabuleux hôtel de Michel Bras à Laguiole). Dans son dédale de couloirs sombres et de puits de lumière géométriques, il abrite en tout et pour tout huit œuvres centrées justement sur la lumière. On frôle parfois le pignolage avec des employés vêtus d’un blanc clinique qui font attendre puis se déchausser les pauvres visiteurs avant qu’ils puissent admirer quatre des célèbres « Nymphéas » de Claude Monet ; ou encore une des trois installations de James Turrell qui est simplement une ouverture verticale vers… le ciel ! Moi qui d’habitude me laisse facilement emporter par l’art contemporain, je préfère me réserver pour… le musée principal de la « Benesse House ». Là, le design architectural moins radical du même Tadao Ando fait merveille avec ses éclairages naturels et ses vues sur la mer. Là, les chefs d’œuvre sont exposés plus simplement et dégagent pourtant la même force d’émotion : un « dripping » de Pollock, une « Vénus bleue » dYves Klein, une fourmilière géante forée dans une collection de drapeaux du monde de Yukinori Yanagi, des cercles mystiques de pierre, de bois flotté ou de boue de Richard Long… Sur la plage, une énorme citrouille jaune striée de pois noirs de Yayoi Kusama. Superbe.
Et le plus original reste à venir : dans le village de pêcheur voisin, nos mécènes ont poussé l’aventure artistique jusqu’à demander à la population de participer à leur plus belle idée, le « Art House Project ». Soient cinq ou six maisons traditionnelles rénovées, qui abritent désormais des installations contemporaines : le charmant Japonais qui vous poinçonne le ticket n’est autre que l’ancien occupant des lieux ; un peu plus loin, sa voisine a participé à l’une des œuvres de Tatsuo Miyajima en bricolant au tournevis le rythme auquel s’égrènent des chiffres lumineux plongés dans un bassin au centre de l’ancien plancher de la maison Kadoya (notre préférée) ; ailleurs, une statue de la Liberté en albâtre semble vouloir sortir du toit de la maison Haisha (par Shinro Ohtake), telle une Alice trop vite montée en graine.
En fait, c’est bien cela : nous sommes passés de l’autre côté du miroir le temps de cette journée ensoleillée au pays des merveilles contemporaines. Le ferry du retour nous offre le passage inverse, en émergeant en douceur de ce rêve éveillé.
Photo du Chichu Museum : Telstar Logistics sur Flickr
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