Poupée de fille, poupée de fond – Expats au Japon depuis 154 jours
Poupée de fille, poupée de fond
Pour patienter entre les pruniers en fleur et les cerisiers en fleurs (la grande affaire du mois à venir : toutes les pubs, y compris celles qui n’ont rien à voir avec le sujet, affichent ces jours-ci des « sakura » en veux-tu en voilà), il nous a été donné de participer aujourd’hui à un autre rituel semble-t-il bien ancré dans les traditions familiales japonaises. Le jour des filles, ou Hina Matsuri, on range ou bien on liquide par le fond (de la rivière) les poupées qui ont orné les salons japonais depuis quelques semaines.
Ces poupées représentent un roi et une reine – si on est plus riche, toute une cour de princes et de serviteurs – qui augurent du bon parti que les parents espèrent trouver pour leur fille. Cela porterait malheur de les exposer au-delà du jour dit, la jeune fille risquerait de ne pas trouver chaussure de vair à son pied. Ce sont souvent de très belles, très chères, poupées traditionnelles richement habillées, transmises de génération en génération ou bien achetées par les grands-parents ; dans ce cas, on les range juste dans un placard comme les guirlandes et les sapins écologiquement plastifiés de nos Noëls réutilisables. Ou bien, on va comme nous en ce beau dimanche de printemps au bord de la rivière Sumida près du pont d’Asakusa, on amène ou on achète des poupées en papier, on glisse un petit vœu dans le piédestal prévu à cet effet, et on laisse couler le tout par le fond (de la rivière, donc). La municipalité a même fourni de chatoyants toboggans fuchsia sur lesquels nos couples royaux glissent joyeusement avant de basculer cul par-dessus tête dans la Sumida. Il paraît que se débarrasser des poupées de cette façon est aussi un moyen d’éliminer quelque mauvais esprit qui pourrait habiter le corps de la jeune fille, mais cette théorie à tendance misogyne lue sur Internet est réfutée par mes collègues japonais !
La cerise (déjà, des cerises !) sur le piédestal était la présence à cette animation bon enfant de vraies geishas de Tokyo, profession très rare dans la capitale paraît-il. Cela nous permis de mitrailler à cœur joie en nous prenant pour Melissa et ses fabuleuses photos de geishas de Kyoto (voir son blog dans la marge). Elles restaient toutes les quatre stoïques sous des dizaines de zooms, souriant bienveillamment à leurs admirateurs durant de longues minutes, tenant dans leurs mains les poupées de papier, elles-mêmes reines d’un jour. Le large décolleté à l’arrière de leur kimono dégage leur nuque, l’une des parties les plus érotiques du corps d’après les japonais ; là, leur maquillage blanc laisse apparaître trois triangles de peau nue. Nous voilà replongés dans
« Mémoires d’une Geisha ». Vivement Kyoto en mai !
Libellés : Culture et traditions
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